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17/03/2011

La fin

Le fermier avançait dans le sillon, le pas de plus en plus fatigué. Son sac de graines à la main, il tentait de se rappeler la dernière fois où il avait fait une pause… Epuisé, il finit par s’asseoir à même la terre, son sac près de lui. La récolte de l’été prochain ne serait peut-être pas un désastre cette fois-ci. Le fait est que des pensées noires obscurcissaient son esprit. Le rendez-vous la veille, avec l’employée de la banque, au sujet de la gestion de sa ferme, ce rendez-vous le faisait encore frémir d’horreur. Cette femme était comme une sorcière penchée au dessus de ses dossiers comme au dessus d’un chaudron maléfique. Elle était là, à lui débiter ses calculs, ses chiffres, ses prévisions de rendement. Elle lui donnait des ordres, presque. Telle un dieu malfaisant, elle présidait aux destinées de la ferme familiale, que lui ne semblait pas pouvoir sauver  d’une tragédie financière sans limites. Tiens, voilà qu’il recommençait à formuler cette petite prière, comme un murmure… Il tenait tellement à conserver cette  ferme, pour le bonheur de ses proches et le sien. Il se rappelait les vacances avec sa petite fille. Elle adorait venir le voir, encore au printemps dernier… Et la lettre que lui avait écrite sa petite Catherine, de son écriture hésitante et pourtant délicate, cette lettre lui rappelait l’heureux souvenir des moments passés avec elle, lui faisant l’acrobate, et elle riant aux éclats de ses pitreries.

L’été prochain, il serait probablement ailleurs, loin de sa ferme, que la récolte soit bonne ou pas. Il lui faudrait certainement emmener sa petite Catherine à la mer, comme toutes ces familles… Et là, face à l’océan, il se voyait déjà acclamer de bravos les œuvres éphémères nées du sable, que ne manquerait pas de réaliser Catherine. Autant de futurs châteaux en Espagne en somme.

Lentement, il reprit son sillon, semant çà et là les graines de son espoir. Le peu qu’il lui restait.

Le lendemain, l’inspecteur de l’assurance venait pour évaluer la ferme, avant de revoir le contrat. Tout s’accélérait, et il voyait ses interlocuteurs comme une nuée de charognards pressés d’en finir avec sa ferme. Tout entier dans ses pensées, il se disait qu’une drôle d’ambiance régnait dans le pays, comme une atmosphère de fin du monde. Les fermiers disparaissaient un par un, soit par ruine, soit par manque de relève. Les alentours se vidaient de toute vie, comme après une catastrophe nucléaire. Il se demandait si cela durerait encore longtemps, longtemps jusqu’à ce que la nature meure vraiment.

Que feraient les hommes alors ? Il ne resterait plus qu’à trouver un refuge ailleurs,  comme si le terraformage était une solution clé en main après la destruction de cette planète.

Peu importe se dit le fermier « moi, j’aurais sauté de la falaise depuis longtemps ».

 

Participation au jeu d'écriture de Livvy. Mots à placer :

Récolte,sable, sorcière, falaise, dieu, limite, nucléaire, inspecteur, acrobate, terraformage, lettre, tragédie, sac, murmure, océan.

23:09 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (14) | |  Facebook |

05/11/2010

Absence

Je cours, je cours, je cours. Jogging inutile du dimanche matin. Essoufflé, je m’arrête un instant, les mains sur les genoux, fatigué au bout d’un quart d’heure à peine. Je sens l’humidité de ma transpiration, le T-shirt me colle à la peau.

Je reprends ma course. Finir juste un tour de parc, histoire de n’être pas sorti pour rien. Je me concentre sur cette chanson des Beatles qui tourne en boucle dans mon iPod. Il a fallu qu’il se bloque sur Yellow Submarine. Bof. Je me rappelle du jour où elle a pris ce fichu appareil, pour une mise à jour ou je ne sais quoi. Elle a voulu fignoler la playlist, me rajouter des chansons que je ne lui demandais pas. Les Beatles, c’est sa marotte à elle.

Maintenant elle est partie, et je cours au son d’une seule et unique chanson, qui ne me rappelle rien que son absence.

Je m’arrête à nouveau. Je ne suis pas si vieux pour me fatiguer si vite, mais je n’aime pas courir pour rien. Et là, je cours après son ombre. Je vacille, je tombe à genoux, devant un banc du square près de la maison.

La maison. Notre maison.

Je rentre doucement, épuisé par la course. Je gravis les quelques marches qui mènent au perron et si je franchis la porte avec hâte, Clark le chat sort précipitamment.  Fichu chat, qu’elle a laissé aussi. « Tu comprends, il s’est plus attaché à toi qu’à moi… »

Sous la douche, je repense au parcours de la course, ces rues empruntées, le square où je ne suis allé qu’une fois avec elle. Les séquences de notre vie me reviennent à l’esprit. C’est un algorithme simple de hauts et de bas, les mêmes revenant sans cesse pour les mêmes séquences…

Son caractère doux mais opiniâtre faisait d’elle une redoutable femme. J’aimais son esprit fantasque, son imagination aussi étrange que romantique.

Revenu dans la chambre, je caressais du doigt cette pierre noire qu’elle avait ramassée lors d’une de nos promenades. « Un bétyle !» s’était-elle exclamé. Un bétyle…. Elle avait continué sur sa lancée : « oui, un bétyle, c’est un signe !! Je ne suis pas folle, je ne suis pas en train de te dire que Dieu nous parle, mais là, cet endroit, cette pierre noire ici, c’est un signe mon ange ! »

Un signe de quoi, je ne l’ai jamais su. Elle s’était reprise. Aussi vive que superstitieuse, elle ne voulut jamais me dire de quel signe elle s’était persuadée…

Je me retrouve à observer cette pierre noire, qui n’est qu’une vulgaire pierre, même pas un onyx, rien qu’un caillou qui vient encore me rappeler son absence.

La cuisine est propre et silencieuse. Les placards seront certainement vides, je ne me souviens pas avoir fait les courses récemment. Je trouve des chamallows, du Malibu coco et des fraises Tagada, autant de saloperies laissées ici par elle. Je ne regarde pas les dates de péremption, mais je ne donne pas cher de leur limite. Je n’y touche pas. Tout ça peut bien se momifier dans ce placard des mois encore, je n’y toucherai pas. Si j’avais une nature à tenir des propos diffamatoires, je pourrais dire qu’elle ne savait acheter que des conneries à manger, nous obligeant la plupart du temps à dîner dehors. C’était plaisant.

Une omelette vite préparée, vite avalée, je retourne à la chambre m’allonger dans le noir.

Cette course stupide que personne ne m’oblige à courir, c’est idiot, ça m’épuise. Une autre séquence : sur le lit un de ses foulards. Une femme qui laisse tout derrière elle, jusqu’à son foulard préféré, qu’est-ce donc ?

Je ne me pose la question que pour la forme. Je m’allonge, près du foulard, qui me nargue depuis les quelques mois qu’elle est partie. Je fini par l’attraper. Il tintinnabule… Je n’avais jamais remarqué ces drôles de sequins sur le côté. Pourtant je me rappelle de ce bruit. Un effet de mon imagination ? Ou bien l’ai-je vraiment entendu quand j’ai défait le nœud du foulard, autour de son cou, avant de le poser sur le lit, et d’entendre ces mots qu’elle avait à me dire. Puis un autre bruit, sourd, le bruit de ses pas. Elle s’en va. Encore une fois. Comme chaque jour, depuis si longtemps.

Je m’allonge, et je m’endors. Demain je penserai à changer l’ordre des choses. Demain.

 

**Texte écris dans le cadre du jeu d'écriture de Livy*

Mots à placer : humidité, chamallow, Beatles, chanson,Yellow Submarine, algorithme, chat, fraise tagada, sequins, bétyle.

 

00:05 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (5) | |  Facebook |

08/04/2010

Le nid


Je revoyais enfin le square. Les enfants étaient toujours là, au même endroit, à jouer, les mères à proximité. La fatigue m'avait quitté, enfin pour de bon. Certainement l'idée de ce banc qui m'attendait. Seul. Enfin.

Je regarde à travers mes paupières mi-closes et je ne le vois plus, l'arbre était là toujours, mais non plus le nid d'oiseaux. Je l'avais scruté des heures, à me raconter que j'étais un de ces volatiles bruyants. Je n'étais revenu que pour lui. La tête enserrée comme dans un étau, je ne suivais que difficilement le cours de mes pensées, autonomes, indépendantes de moi, de ma volonté.

J'avais repris un comprimé, bu un verre, touché mon front glacé. Sortir était un effort, mais au bout il y avait ce nid. Je ne voulais que le voir, le regarder m'apaisait. Ils étaient inutiles ces moineaux, ou était-ce des mésanges, je n'en ais rien, je n'y distingue rien en oiseaux. Peu importe, ils étaient fragiles et inutiles. Je pouvais décider de leur sort, décider que le nid tomberait à terre, décider que leurs petits os craqueraient sous mes doigts.

Non, je ne suis pas affolé, mais je me demande où est passée ce nid. La part de contrôle que je peux avoir sur moi dépend de ce nid, de ce que je peux lui faire subir. Je ne subis plus, je contrôle ? Des mésanges, ou des moineaux, je ne sais pas. Qui peut reconnaître entre elles ces sales bestioles ? Qui a embarqué ce putain de nid.

Je ne perds pas le contrôle de ma vie, je dois juste récupérer ce nid, ma chance, leur montrer qui contrôle, qui sait, qui l'emporte sur eux.

Je reprends un comprimé, mais je n'ai pas pris de bouteille avec moi. Je commence à avoir soif,  chercher ce fichu nid qui se moque de moi, comme le reste du square.

Ces mères idiotes qui n savent pas le quart de ce qui se passent dans la cervelle de leur gamin, qui pensent les aimer et les aider à coup, de gâteaux, de balançoire et de bonbons. Que savent-elles de ce que leurs enfants veulent vraiment. Que sait-elle de ce que je veux réellement d'elle ? Elle me met sur la balançoire et se barre une heure, se fichant de mon sort, puisque je suis heureux avec un gâteau, une tape sur la tête et la balançoire pour moi seul. Je regarde ce nid depuis 20 ans et il disparait régulièrement. Je regarde ce nid en attendant qu'elle revienne de son rendez vous. Elle croit me donner autant qu'une mère puisse donner, un gâteau, un tour de balançoire et vole, vas-y, rejoins le sous l'arbre, oublie ton petit garçon, et son nid. Les oiseaux s'envolent souvent du nid, je n'y arrive pas, je cherche une motivation, autre que scruter des mésanges, des moineaux, des oiseaux dont j'ai rien à foutre que de vouloir briser les petits os : c'est moi le patron, c'est moi qui compte, j'ai besoin de personne moi, pour protéger mon petit cou du monstre. Façon, elle ne me regarde pas, elle ne regarde que lui, une heure durant parfois plus. Me laisse sur cette balançoire et m'oublie.

Mon crâne me fait mal, l'étau se resserre, tout est étouffant et encore plus cette absence du nid, où est-il ?

Je neveux que reprendre le contrôle, je n'ai pas peur, je suis le patron, je n'ai pas besoin d'elle, je n'ai pas peur, je ne veux que reprendre le contrôle.

Pourquoi je n'y arrive pas ? Je reprends un cachet, je rentre à la maison, elle y sera surement, je serais là comme un con, penaud, effrayé et con.

 

07:41 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook |