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08/04/2011

La montagne tragique

 

Les quelques semaines d’immobilisation suite à ma dernière crise, m’avait valu sur la fin un ennui profond. Je ne sais ce qui m’avait pris, j’avais décidé de soigner mes poumons défaillants avec l’air pur de la montagne. Trop de lecture peut nuire au sens des réalités… Toute entière happée par une vision personnelle de Thomas Mann et de la Montagne Magique, je m’étais prise d’une nouvelle lubie : me reposer dans un sanatorium, au plus près de l’air pur des alpes…. Mes bagages rapidement faits, et la destination choisie, je me retrouvais dans ces murs blancs, aussi enthousiaste que s’il s’agissait d’assister à une première de cinéma.

Mon médecin avait fait les démarches auprès de ce sanatorium très connu, et lui-même ne tarissait pas d’éloges sur cette institution vénérable.

Les premiers jours étaient, comment dire, magique, oui. J’avais décidé d’être complètement actrice de ce séjour, à la fois pour bien guérir, mais surtout pour tenter de retrouver ces sensations de lectures particulières qu’avait provoqué en moi le roman de Thomas Mann. Il y avait parmi les patients du centre l’exacte faune que je m’étais imaginée. Une brochette de personnages fascinants pour certains, simplement attachants pour d’autres. Et si je n’étais pas du genre à bourlinguer, préférant le confort de mon bureau à d’aventureuses expéditions, j’aimais écouter les récits de ces voyageurs qui allaient si loin à ma place, ou qui vivaient des vies trépidantes…

Je m’étais plu à faire connaissance avec mes collègues de cure. Puis vint le moment ; invariable moment ; implacable moment…Le moment où je me lassais.

Je ne voyais plus le paléontologue très connu qui me racontait sa vie, mais le vieux pervers qui me fixait d’un regard concupiscent en débitant des propos plus cochons les uns que les autres. La célèbre actrice des années 80 qui me régalaient de ses anecdotes, avait fait place à la pauvre has been qui aimait trop se poudrer le visage, échouant dans  sa mission d’effacer les ravages du temps.

Les conversations affectueuses et enjouées du petit déjeuner ne me réjouissaient plus. Je lançais un « bonjour » général, avant de m’enfuir lire les quelques périodiques disposés dans le salon commun. J’attendais que la salle du déjeuner se vide, avant d’y retourner avaler ma propre pitance. J’errais ensuite dans les couloirs, avant de regagner ma chambre. J’attendais, le stylo à la main, que l’inspiration revienne. Je me lassais de l’endroit, des gens, et même d’écrire. L’air pur m’étouffait presque. Je ne voulais plus entendre parler de balades dans la neige, de promenades en raquettes ou de parties de cartes au coin du feu.

Je n’avais qu’une hâte : fuir.

Rien n’avait changé en fait. A part moi. Ma lassitude me rattrapait. Pire qu’un oiseau qui fait sa cour en déployant ses plus belles plumes, je savais séduire et attirer mon auditoire, l’auditoire que je choisissais digne de moi. Ensuite, je m’intéressais le plus sincèrement du monde à « mes proies ». Puis, une fois l’attachement réalisée, la personne appréciée et reconnue, je me lassais.

Amour, amitié, la formule était la même. Je finissais par désirer la solitude, par ne plus voir que les défauts en l’autre.

C’était là ma véritable maladie, que cette montagne n’avait pas réussi à guérir.

 

*Ma participation au jeu d'écriture de Livvy.

07:05 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (5) | |  Facebook |

Commentaires

D'abord le sourire puis la tristesse pour le lecteur...

Écrit par : Olivia Billington | 08/04/2011

Bel écrit : vivre avec les autres : certains ne s'en passent pas et d'autres ont besoin plus que les autres de leur petit coin privé. Associal ? non . Juste bien avec soi même; pas besoin du regard et de l'approbation d'autrui pour exister.
Ou au contraire, mal avec soi même ; peur de se confronter au regard de l'autre et de se sentir encore moins exister..
difficile est la vie en société !!
tant de gens différents.
;)
christelle

Écrit par : cricket1513 | 08/04/2011

Très "saganesque" ton texte et ce thème de l'ennui...très bien écrit ! Et que va-t-elle trouver pour se sortir de cet ennui maussade et chronique ? Une suite ??? Ah ah ah !! J'aimerais bien...^^

Écrit par : Asphodèle | 08/04/2011

Bonsoir,
un beau voyage dans une écriture fluide qui déroule très bien uen tranche de vie.
d'accord avec Asphodèle, une suite, une suite !!!

Écrit par : 32 Octobre | 08/04/2011

@Tous : merci pour votre lecture :)

Écrit par : Océane | 15/04/2011

Les commentaires sont fermés.