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21/01/2022

Un été

C’était un samedi souvent qu’elle arrivait. Avec sa famille, mon oncle, sa femme, et le reste de mes cousines. J’allais les saluer dès le soir de leur arrivée, la politesse avait du bon, inutile de chercher un prétexte pour la voir. Un peu de bavardage avec les parents, et je l’entrainais dans sa chambre pour parler de cette année écoulée.

Je ne dis pas que j’avais passé ces mois à l’attendre, mais presque. Disons que j’avais découvert l’année d'avant les vertus de l’effleurage, les presque caresses, et la tension entre nous qui ne nous trompaient ni l’un ni l’autre.

Je ne l’attendais pas vraiment, à 18 ans je n’avais rien d’un romantique et je profitais de toutes les occasions sexuelles que m’offraient le lycée, puis la fac. Mais il y avait un truc avec elle, ce truc dans ses yeux quand elle se mettait en maillot de bain devant moi, le ton de sa voix quand elle me demandait de l’aide à tout propos. Un truc en rapport avec l’été, la plage, le soleil et une certaine indolence. Et puis on ne couche pas avec sa cousine. Il parait.

Nous avons passé ce premier jour à la plage, comme prévu, à nager, dormir au soleil, très proches, avec toujours cette tension entre nous. Je savais que je ne me faisais pas d’idées. J’ignorais ce qui pouvait trotter dans la cervelle d’une fille de 16 ans. Moi je n’avais qu’une idée en tête, coucher avec elle.

Le soir, après le diner, les conversations, tout le monde est allé dormir, léger comme un premier jour de vacances.

J’ai attendu minuit, puis une heure, deux heure, et je suis allée la rejoindre dans sa chambre.

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Elle était allongée dans son lit, endormie, je me suis allongée près d’elle. J’ai senti son parfum, dans son cou frêle, une odeur mêlée de savon et de monoï, un peu écœurante mais pas désagréable (toutes les filles mettent trop de monoï l’été, non ?)

De plus en plus excité, je lui caressais les cheveux, le dos, sans qu’elle se réveille. J’avais cette douleur atroce, ma queue trop dure cherchait presque à sortir de mon caleçon. Toute la journée je l’avais regardé se baigner, courir, sauter dans l’eau, revenir vers moi… Et toute la journée j’avais eu envie d’elle.

Là, dans le lit, j’ai commencé à me frotter contre elle, à caresser son ventre, si doux. Elle remuait un peu dans son sommeil, et ma queue me faisait de plus en plus mal. Je n’en revenais pas qu’elle reste endormie, malgré mes caresses de plus en plus insistantes, et moi qui n’en pouvais plus. Je l’ai embrassée, son front, ses joues, puis sa bouche. Un baiser affamé, qu’elle me rendit aussitôt, entrouvrant à peine les yeux. Dans un demi-sommeil, elle se dégagea un peu des draps, pour me laisser me faufiler vers elle. Je la vis se mettre sur le dos, m’attirer pour de bon sur elle, me laissant la pénétrer d’un coup. J’étais à la fois soulagé et surpris, surtout de sentir ses ongles s’enfoncer dans mon dos, et sa voix dans mon oreille m’encourager.  Nous avons passé le reste de la nuit l’un contre l’autre, mais au petit déjeuner, nous nous sommes soigneusement évités. Le reste de l’été s’est passé comme dans un rêve. Les journées à la plage, la nuit dans le même lit. Je crois que personne n’a jamais rien deviné, on aurait eu les pires ennuis du monde. Le jour, on ne parlait jamais de nos nuits, pas la moindre allusion, même seul à seul, à croire que nous n’étions pas les mêmes personnes. Chaque soir était le début d’un petit miracle, purement sexuel : on aurait dit deux étrangers qui se rendaient service en couchant ensemble. C’était purement charnel, érotique, sans l’ombre d’un sentiment autre que la sorte de fraternité qui existe entre deux cousins. C’est ce qui rendait tout cela irréel. Ma seule angoisse était que le soir suivant elle ne veuille plus de cet étrange « nous ». Mais cela a continué. A la fin de l’été, elle est repartie, comme tout les ans, sans sanglots, ni lamentations. Jamais nous n’avions formulé au grand jour la nature de notre secret nocturne.

L’année d’après, elle avait un petit ami, et elle était amoureuse.

J’ai passé les vacances  les plus mornes de ma vie.

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13:36 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Facebook |

07/03/2013

La tâche

C’est la nuit noire. Un drôle de goût envahit votre bouche, une amertume nouvelle, sans fin, qui s’insinue dans chacune de vos cellules.

Vous regardez, muette, le mur en face, éclairé par le plafonnier, d’une lumière aussi indirecte qu’inutile. Seule se détache une forme étrange, comme dessinée par le salpêtre, des contours francs, qui ne laissent aucun doute sur ce que cela vous évoque.

Il ne s’agit plus de vous armer de votre courage, non, mais simplement de constater tristement la réalité. Ce refuge que vous aviez construit, autour de votre mémoire, l’idée de fermer la porte à tout ce qui se rapporte à l’événement, tout cela s’effondre comme un château de carte.

Qu’est-ce qui vous autorise à croire en vous, en votre pouvoir ? Cette chose qui ne veut plus rayonner, la retrouverez-vous ?

L’autre, l’ombre, elle s’insinue. Elle prend place tout autour de vous.  Quel que soit votre déplaisir à l’avouer, la tache qui s’étend sur le mur en face de votre bureau est plus que du salpêtre. Avant de penser à rafraîchir la pièce par un coup de peinture hypocrite, il faut chasser l’ombre, la prendre à revers et ce ne sera pas une mince affaire, vous le savez.

Tranquillement, sans hâte ni peur, vous vous dirigez vers le canapé au fond de la pièce. Une fois assise, vous aurez tout à fait conscience qu’il s’est enfin produit ce que vous craigniez le plus : les affres de la fiction ont rejoint le réel, et l’événement que vous ne cessez de fuir, il est là, devant vous, sous la forme de cette tache de salpêtre. Elle est là, l’ombre. La surprendre ? N’est-ce pas elle qui vous a surprise, déjà ? Quelle sorte de travail est-ce là pour le poète ? Plonger dans son regard noir et attendre qu’elle vous avale, qu’elle vous mâche, et qu’elle en finisse avec votre mémoire. La voilà, la solution : finir mâchée et recrachée, vide de toute substance. C’est peut-être cela que vous appeliez repos ?

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C'est ma participation au jeu d'écriture d' Olivia. Mots à placer : refuge – travail – plus (+) – mince – prendre – château – muette – événement – fiction – déplaisir – rafraîchir – poète – rayonner – courage


21:15 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (6) | |  Facebook |

02/02/2012

Storgê


En descendant  à la gare de ce petit village, je ne savais plus ce que j’étais venu chercher.  Rien ne ressemblait plus à mon souvenir, et c’est un peu tard que je regardais le train s’éloigner inexorablement vers sa prochaine destination.
Livrée à l’inconnu, je décidais de ne plus chercher à savoir si tout cela était une erreur ou pas.
D’un pas tout de même léger, je me suis dirigée vers la sortie. Pas de taxi. Voilà une chose qui n’avait pas changée. Heureusement, le cimetière n’était pas loin de la gare.  
Comme souvent, je en m’étais pas intéressée à la météo, et c’est chaussée d’escarpins totalement inadaptés au temps, que j’entamais le parcours. Les flocons de neige tombaient joyeusement sur ma tête, ce qui me ravissait, mais cela occasionnait au sol une boue désagréable sur ce chemin de terre.
Un peu désorientée, j’ai failli manquer l’entrée du cimetière.  L’endroit était presque charmant, de ce charme suranné des cimetières de village… J’ai écouté le chant des mésanges, qui semblait appeler leurs petits, à rentrer avant que la neige ne les en empêche.
Ma mère m’avait noté sur un papier le moyen de retrouver la tombe, la repérer dans ce labyrinthe ne serait pas pour autant facile.
Enfin, je la trouvais. La tombe de ma grand-mère, morte douze ans auparavant.  
Je me suis assise devant, sur une petite couverture que j’avais amené ave moi. Difficile de ne pas pleurer. Pourtant, curieusement, je n’avais pas de peine. La lutte était terminée depuis longtemps. Mais je sentais monter cette douleur familière au thorax. La même douleur sèche et froide depuis douze ans. J’avais mal, souvent, sans que des larmes sortent. Le déni prend des formes curieuses parfois, et la pensée magique était ma meilleure amie : j’avais décidé qu’elle n’était pas morte, puisque c’était arrivé loin de moi. Et ne jamais voir cette tombe me confortait dans mon déni.
Mais cette douleur ne me quittait pas, envahissait tout, voilant les souvenirs d’une gris amer et lourd.
Douze ans après, il était temps d’accoster d’autres rivages et d’offrir une tombe aux souvenirs.
J’ai regardé le nom gravé sur la pierre, et je me suis rappelée la personne qu’elle était, la tendresse de son regard. Plus jamais je n’aurais sa compagnie, sa présence chaleureuse qui rendait merveilleuses mes vacances d’enfant. Pourtant, nulle tristesse : je revivais ces journées avec elle, dans son petit pavillon, son jardin aussi désordonné qu’enchanteur. La scolopendre grimpait le long des murs, faisant presque de l’ombre aux pieds de tomates et aux buissons fleuris. Je me rappelle de sa maison comme de mon second foyer, et j’y passais de belles heures, à l’étude d’un livre ou à écouter chanter la pluie sur le toit…
Voilà ce que je vais garder, l’amour d’une grand-mère, son affection et son souvennir.

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Ma participation au jeu d'écriture d' Olivia

Mots à placer : Erreur – tendresse – train – thorax – scolopendre – lutte – inconnu – inexorablement – boue – pavillon – compagnie – foyer – neige – étude – mésange – flocon – accoster – désorienté – parcours – tomate – chanter – gare – livre.


21:50 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (17) | |  Facebook |