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07/03/2013

La tâche

C’est la nuit noire. Un drôle de goût envahit votre bouche, une amertume nouvelle, sans fin, qui s’insinue dans chacune de vos cellules.

Vous regardez, muette, le mur en face, éclairé par le plafonnier, d’une lumière aussi indirecte qu’inutile. Seule se détache une forme étrange, comme dessinée par le salpêtre, des contours francs, qui ne laissent aucun doute sur ce que cela vous évoque.

Il ne s’agit plus de vous armer de votre courage, non, mais simplement de constater tristement la réalité. Ce refuge que vous aviez construit, autour de votre mémoire, l’idée de fermer la porte à tout ce qui se rapporte à l’événement, tout cela s’effondre comme un château de carte.

Qu’est-ce qui vous autorise à croire en vous, en votre pouvoir ? Cette chose qui ne veut plus rayonner, la retrouverez-vous ?

L’autre, l’ombre, elle s’insinue. Elle prend place tout autour de vous.  Quel que soit votre déplaisir à l’avouer, la tache qui s’étend sur le mur en face de votre bureau est plus que du salpêtre. Avant de penser à rafraîchir la pièce par un coup de peinture hypocrite, il faut chasser l’ombre, la prendre à revers et ce ne sera pas une mince affaire, vous le savez.

Tranquillement, sans hâte ni peur, vous vous dirigez vers le canapé au fond de la pièce. Une fois assise, vous aurez tout à fait conscience qu’il s’est enfin produit ce que vous craigniez le plus : les affres de la fiction ont rejoint le réel, et l’événement que vous ne cessez de fuir, il est là, devant vous, sous la forme de cette tache de salpêtre. Elle est là, l’ombre. La surprendre ? N’est-ce pas elle qui vous a surprise, déjà ? Quelle sorte de travail est-ce là pour le poète ? Plonger dans son regard noir et attendre qu’elle vous avale, qu’elle vous mâche, et qu’elle en finisse avec votre mémoire. La voilà, la solution : finir mâchée et recrachée, vide de toute substance. C’est peut-être cela que vous appeliez repos ?

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C'est ma participation au jeu d'écriture d' Olivia. Mots à placer : refuge – travail – plus (+) – mince – prendre – château – muette – événement – fiction – déplaisir – rafraîchir – poète – rayonner – courage


21:15 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (6) | |  Facebook |

Commentaires

Très beau :)
Il n'y a pas d'ombre sans lumière pour la révéler. Et plus la lumière est placée haute, plus l'ombre rapetisse au point de se trouver sous nos pieds, pour qu'on la domine enfin. Ainsi en est-il de la vérité sur nos ombres, de l'amour sur nos blessures et du réel sur nos illusions. Le repos n'est qu'au prix de notre combat, comme Jacob et l'ange, a regarder ces ombres en face, à les affronter, pour enfin les vaincre et les digérer. Et la poésie, mais plus encore les mots, la parole, le logos, sont précieux pour vivre ce combat.

Écrit par : Emmanuel | 07/03/2013

Magnifique texte qui sait nous mettre en joie dès le petit matin.
À part ça, j'espère que tout va bien ;-)

Écrit par : Oncle Dan | 08/03/2013

Je suis sous le charme. Même si cette ombre n'a rien de charmant.

Écrit par : Olivia | 08/03/2013

Voilà une ombre bien inquiétante dont je me passerais de croiser étant de nature froussarde!!!
Rien qu'à te lire j'en frissonne, c'est sans doute parce que c'est si bien écrit qu'on a pas de mal à se retrouver en situation.
Je te souhaite une bonne fin de journée qui nous est dédié.
Domi.

Écrit par : dimdamdom59 | 08/03/2013

Ton texte est surprenant et bien écrit. :D Une nuit d'insomnie parfaitement vraisemblable. :D Je me suis laissée avalée par ton texte. :D j'adore ! :D

Écrit par : ceriat | 10/03/2013

Un texte très bien écrit, sombre et mystérieux à souhait.

Écrit par : MCL | 10/03/2013

Les commentaires sont fermés.