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22/04/2011

Adirée

Elisa courait en tenant son sac contre elle. En retard pour ce rendez-vous tellement important, elle sentait qu’il y avait là encore un signe de l’ennui général qui anéantissait sa vie… Comme n’importe qui aurait pu le lui prédire, ce matin là Elisa l’avait laissé trainé en longueur, au lieu de se préparer à cette rencontre. Elle avait déambulé dans son appartement, s’était assise pour pianoter quelques instants sur son Pleyel, des notes fragiles, celles d’un air qu’elle essayait de se remémorer en vain. Mais rien à faire, à part tenter d’oublier cette lubie musicale. Elisa manquait considérablement de mesure, surtout quant il s’agissait de futilités. Elle avait ainsi perdu son temps à errer chez elle, du piano à sa chambre, en se demandant bien ce qu’elle pouvait chercher.

Quand l’horloge sonna 16h, elle se réveilla brusquement de ses pensées adirées, le souffle court, anxieuse. Elle se rappelait enfin ce fameux rendez-vous. Vite, elle se prépara et sorti de chez elle l’air hagard, le pas rapide, comme si un fâcheux avait entrepris de la traquer.

A mi-chemin de l’adresse, son sac lui échappa des mains. Comme une apparition merveilleuse, un homme se penchait en même temps qu’Elisa, pour en ramasser le contenu.

Flacon de parfum, stylos, carnet bleu marine, téléphone, bonbons, fleurs en tissu, la liste hétéroclite affichait un peu de son intimité aux yeux de l’inconnu.

Comme leurs mains se mêlaient dans le sauvetage de ces menus objets, Elisa sentit une rougeur l’envahir. Puis redevenant la femme malicieuse qu’elle savait être, elle s’adressa à l’homme dans un sourire : « La bouteille de parfum s’est cassée, vous devriez faire attention à ne pas rapporter chez vous le parfum d’une autre, je ne voudrais pas que votre femme… » Il l’interrompit doucement :

« Ne vous inquiétez pas. » Le sac sauvé du trottoir, Elisa, dans un geste nerveux, lissa les plis de sa jupe, et osa demander « Puis-je vous remercier par un café ? » « Vous n’avez pas rendez-vous ? Vous sembliez si pressée… » Elisa le regarda en souriant « non, non ». Comment lui avouer que ce rendez-vous après lequel elle courait, était avec un médium à la mode, recommandé par sa meilleure amie. Celle-ci lui avait promis « tu verras, il est incroyable, il saura faire la lumière dans tes interrogations » Non, elle n’allait pas se compliquer la vie avec des explications qui sembleraient plus des chinoiseries que des paroles sensées.

Elisa se dit que c’était peut-être ça qu’elle cherchait, un homme galant, avec qui prendre un café et discuter sans s’inquiéter de son avenir avec lui, ou sans lui. Peu importe le médium, peu importe ses angoisses. Son esprit, qui oscillait entre joie et abattement, espérait l’équilibre, la tranquillité d’un  instant gratuit.

Elle lui indiqua un café proche, puis tout deux s’en allèrent comme deux nouveaux amis. En attendant de voir le jour à nouveau.

 

 

 

Ceci marque ma participation au jeu d'écriture d'Olivia. Mots à placer :

oublier – malicieuse – lumière – à mi-chemin – ennui – fragile – chinoiserie – médium – traquer – apparition – pianoter – retard

00:10 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (8) | |  Facebook |

13/04/2011

Le long de la rivière

La première fois, j’ai fermé les yeux. Je t’ai laissé prendre ma main, et puis on s’est promené le long de la rivière, jusqu’à l’orée du petit bois. Un été commence et se finit en un clin d’œil.

Je me promène du quai d’un RER à un autre. Le chemin n’est jamais le même. Il faut juste faire les cent pas, sans pas, sans toi. Je ne sais pas où je mets mes pas, sans les tiens. Mais je ne sais même pas qui tu es. Je sais juste qu’il y a quelqu’un, quelque part. Il faut bien, non ? Sinon, où les mettrais-je mes pas ? Dans quels bras pourrais-je me perdre ?

Quelle idée avons-nous de la vie ? Une promenade près de la rivière, à deux. Comme si j’avais besoin de m’assurer dans tes yeux de ce que je vois. Je ne sais plus voir seule.

Redescendons du quai, ou le long de la rivière, redescendons voir si les reflets argentés de l’eau sont les petits poissons de l’enfance ou le jeu de la lumière sur notre imagination.

Je ne sais plus distinguer les choses avec mes seuls yeux.

Viens, descend avec moi le long de cette rivière, le seul lit où notre amour puisse dormir. Je jette des cailloux vers le quai. Enfin non, pas des cailloux, on ne trouve ni cailloux ni rivières quand on en a besoin. Je me contente de jeter un bout de papier chiffonné avec ton nom dessus, et je repars dans l’autre sens, vers un autre quai.

A croire que je cherche une destination, un repère, un endroit où m’amarrer, mais sans me décider. Tu sais, les choses ne changent pas : choisir c’est renoncer. Tu imagines le tourbillon dans ma tête juste pour choisir un endroit où m’arrêter, fermer les yeux, les rouvrir et espérer te voir apparaître.

Je me trompe toujours, tu n’es jamais là, et je reste avec mon mal de crâne gout vanille.

Tu vois ces petits cailloux que tu lançais par-dessus le flot de la rivière ? Je voudrais retrouver les cercles qu’ils faisaient, les cercles concentriques de notre vie. Ils disparaissent petit à petit. Rien n’est plus fragile que le souvenir du bonheur, plus transparent que la mémoire de ton sourire. Tout disparaît et je crois que je t’oublie un peu plus. M’accorder un autre voyage, ailleurs, ce serait te trahir, n’est-ce pas ? Alors je reste à quai, fidèle à ton sourire.

Il apparaitra bien sous les flots, si je me penche un tout petit peu plus.

00:57 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (3) | |  Facebook |

08/04/2011

La montagne tragique

 

Les quelques semaines d’immobilisation suite à ma dernière crise, m’avait valu sur la fin un ennui profond. Je ne sais ce qui m’avait pris, j’avais décidé de soigner mes poumons défaillants avec l’air pur de la montagne. Trop de lecture peut nuire au sens des réalités… Toute entière happée par une vision personnelle de Thomas Mann et de la Montagne Magique, je m’étais prise d’une nouvelle lubie : me reposer dans un sanatorium, au plus près de l’air pur des alpes…. Mes bagages rapidement faits, et la destination choisie, je me retrouvais dans ces murs blancs, aussi enthousiaste que s’il s’agissait d’assister à une première de cinéma.

Mon médecin avait fait les démarches auprès de ce sanatorium très connu, et lui-même ne tarissait pas d’éloges sur cette institution vénérable.

Les premiers jours étaient, comment dire, magique, oui. J’avais décidé d’être complètement actrice de ce séjour, à la fois pour bien guérir, mais surtout pour tenter de retrouver ces sensations de lectures particulières qu’avait provoqué en moi le roman de Thomas Mann. Il y avait parmi les patients du centre l’exacte faune que je m’étais imaginée. Une brochette de personnages fascinants pour certains, simplement attachants pour d’autres. Et si je n’étais pas du genre à bourlinguer, préférant le confort de mon bureau à d’aventureuses expéditions, j’aimais écouter les récits de ces voyageurs qui allaient si loin à ma place, ou qui vivaient des vies trépidantes…

Je m’étais plu à faire connaissance avec mes collègues de cure. Puis vint le moment ; invariable moment ; implacable moment…Le moment où je me lassais.

Je ne voyais plus le paléontologue très connu qui me racontait sa vie, mais le vieux pervers qui me fixait d’un regard concupiscent en débitant des propos plus cochons les uns que les autres. La célèbre actrice des années 80 qui me régalaient de ses anecdotes, avait fait place à la pauvre has been qui aimait trop se poudrer le visage, échouant dans  sa mission d’effacer les ravages du temps.

Les conversations affectueuses et enjouées du petit déjeuner ne me réjouissaient plus. Je lançais un « bonjour » général, avant de m’enfuir lire les quelques périodiques disposés dans le salon commun. J’attendais que la salle du déjeuner se vide, avant d’y retourner avaler ma propre pitance. J’errais ensuite dans les couloirs, avant de regagner ma chambre. J’attendais, le stylo à la main, que l’inspiration revienne. Je me lassais de l’endroit, des gens, et même d’écrire. L’air pur m’étouffait presque. Je ne voulais plus entendre parler de balades dans la neige, de promenades en raquettes ou de parties de cartes au coin du feu.

Je n’avais qu’une hâte : fuir.

Rien n’avait changé en fait. A part moi. Ma lassitude me rattrapait. Pire qu’un oiseau qui fait sa cour en déployant ses plus belles plumes, je savais séduire et attirer mon auditoire, l’auditoire que je choisissais digne de moi. Ensuite, je m’intéressais le plus sincèrement du monde à « mes proies ». Puis, une fois l’attachement réalisée, la personne appréciée et reconnue, je me lassais.

Amour, amitié, la formule était la même. Je finissais par désirer la solitude, par ne plus voir que les défauts en l’autre.

C’était là ma véritable maladie, que cette montagne n’avait pas réussi à guérir.

 

*Ma participation au jeu d'écriture de Livvy.

07:05 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (5) | |  Facebook |